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Réponse à l’edito du monde

dimanche 10 février 2013

Monsieur le rédacteur en chef du journal Le Monde

Considérant que les personnels qu’ils représentent ont été gravement mis en cause par l’éditorial de l’édition de votre journal datée du 23 janvier dernier, les syndicats signataires de ce texte demandent à user de leur droit de réponse dans vos colonnes.

En effet, après avoir été agressés par cet éditorial non signé —qui engage donc l’ensemble du journal— les enseignants et leurs syndicats ne peuvent se satisfaire du traitement fait par le médiateur du Monde (numéro des 27 et 28 janvier) des « vagues » suscitées par ce tir à boulets rouges qui les a atteints, meurtris et légitimement révoltés.

Vous n’avez pas jugé bon de publier la moindre lettre de lecteur ou de lectrice, vous contentant d’extraire d’un manifestement volumineux courrier quelques adjectifs, au mieux quelques phrases éparses vite recouvertes par une auto-justification de votre positionnement éditorial et un plaidoyer en faveur du projet ministériel par votre chef du service éducation, Mme Baumard.

Il est pourtant clair que votre position et, évidemment, le projet du ministre n’ont pas recueilli l’accord consensuel des parents d’élèves, des enseignants et des personnels de collectivités territoriales exerçant dans les écoles. Un peu partout, ce sont des mobilisations d’opposition au décret publié le 26 janvier qui se développent et, à Paris, les enseignants du premier degré ont massivement fait grève le 22 janvier. Était-ce par corporatisme, conservatisme, irresponsabilité ? Ou, au contraire, parce qu’ils n’ont jamais été directement consultés ni associés à l’élaboration d’un projet qu’ils jugent —et ils ont quelque compétence pour cela— contraire à l’intérêt de leurs élèves avant même d’être néfaste pour les personnels.

Une mobilisation aussi unanime (90 % de grévistes, un score historique !) ne saurait être obtenue par la crainte égoïste et « lamentable » de préserver des « privilèges » antédiluviens. Les Professeurs de la Ville de Paris qui exercent dans les écoles élémentaires (les écoles maternelles où ils n’interviennent pas étaient pourtant massivement en grève le 22 janvier !) sont des enseignants dont le statut est reconnu par l’Etat. Ils ne se substituent pas aux instituteurs et professeurs des écoles —dont le temps de service n’est en rien allégé— mais font bénéficier les élèves de leurs compétences dans les domaines artistiques et sportifs. C’est pourquoi beaucoup —eux-mêmes, les parents d’élèves, les enseignants de l’éducation nationale— s’inquiètent de constater la diminution du nombre de PVP suite aux départs en retraite non remplacés par la la Mairie de Paris, et ce indépendamment d’une éventuelle refonte des horaires scolaires et périscolaires qui ne ferait qu’ajouter une menace supplémentaire à leur sujet. Les enseignants parisiens et tous ceux qui se mobilisent aussi fortement pour s’opposer à la réforme calamiteuse que veulent faire passer en force le ministre de l’éducation nationale et le maire de Paris tirent autant le signal d’alarme au sujet de ses conséquences pour les élèves que de celles pour les personnels de toutes catégories exerçant auprès d’eux. En effet, avec une réduction minimale de l’horaire d’enseignement quotidien, mais un temps de présence à l’école supérieur (des journées aussi longues et le mercredi en plus) à ce qu’il est actuellement la fatigue des élèves sera accrue et leurs résultats scolaires ne seront certainement pas améliorés. Sur les plages horaires dégagées dans la journée, la mairie de Paris est incapable d’assurer un encadrement par des personnels d’animation en nombre suffisant, formés, titulaires, correctement rémunérés et disposant de locaux et d’équipements adaptés. C’est pourtant ce que nous réclamons depuis de nombreuses années ! C’est d’ailleurs de cette mainmise croissante des collectivités —sans moyens— jusqu’à devenir une territorialisation inégalitaire de l’école publique que s’inquiètent les enseignants.

Nous sommes convaincus que les urgences de l’école sont ailleurs que dans ce projet mal et trop rapidement ficelé : dans la réduction des effectifs par classe, la reconstitution des RASED, l’attribution d’emplois de remplacement et de moyens pour la scolarisation des élèves handicapés, la refonte des programmes, une véritable formation initiale et continue des enseignants… et, d’ores et déjà, l’abandon des mesures prises par les précédents gouvernements à l’encontre de l’école publique. Là sont les attentes prioritaires de nos collègues et aussi, nous le pensons, des élèves et de leurs parents. C’est à ce sujet que la consultation de tous —qui n’a pas eu lieu !— doit être organisée et aboutir à de vraies mesures positives. Ce ne peut être le cas avec le préalable imposé de force par le gouvernement et par les collectivités qui veulent, contre toute raison, le mettre en œuvre à la rentrée 2013.

L’intersyndicale des enseignants des écoles parisiennes (SNUipp-FSU, Snudi-FO, SE-UNSA, SUD Education, CNT-STE, CGT Educ’action)