Déclaration Local

 La CGT interpelle la mairie de Paris à propos des élèves en détresse sociale

 

Monsieur le Maire, Madame la Vice Présidente du conseil régional,
Madame la Maire, Mesdames Messieurs les présidents de groupe,

Nous avons la mission de scolariser dans nos lycées l’ensemble des jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études. Parmi eux, certains rencontrent de très graves difficultés sociales. Le nombre de ces élèves a tendance à augmenter de même que l’importance de leurs difficultés. Qu’ils soient isolés en France, issus d’une famille elle-même en très grande difficulté, ou en rupture familiale, ces jeunes lorsqu’ils sont mineurs sont le plus souvent pris en charge par l’ASE, qui est de la responsabilité du département. Devenus majeurs ils bénéficiaient de « contrats jeunes majeurs » (CJM) leur assurant une prise en charge du logement et des frais qui leur permettait de poursuivre leur scolarité.

Depuis septembre le nombre de ces contrats a été drastiquement réduit. Les jeunes suivis précédemment dans ce cadre voient leurs contrats prendre fin au bout d’un an à peine alors que le droit prévoit la possibilité d’un suivi sur trois ans. Quant aux nouvelles demandes de jeunes ayant vu leur situation gravement se dégrader depuis septembre, il leur est devenu quasiment impossible d’obtenir un CJM. Poussé par une logique uniquement budgétaire, l’ASE les renvoie vers des aides éducatives à domicile (AED) renforcées qui ne répondent pourtant pas à la situation de jeunes ne pouvant plus être maintenus au domicile familial. La plupart de ces jeunes se retrouvent ainsi, sans possibilité de se loger, de se nourrir, sans ressource ou avec une somme dérisoire (250 € pour deux semaines dans les meilleurs cas) et sans suivi éducatif. Ils dorment qui chez un copain, qui dans des centres d’hébergement pour SDF, qui dans une caravane, qui chez un de ses profs, quelques fois à l’hôtel et parfois dans la rue. Ces situations ne sont pas acceptables et ne sont pas compatibles avec leurs études.

Les assistantes sociales des collèges et lycées sont de plus en plus accaparées par ces situations pour lesquelles elles n’ont que très peu de solutions à proposer. Les équipes éducatives, enseignants, chefs de travaux, chefs d’établissements se démènent pour trouver des solutions mais ce n’est ni leur rôle ni leur métier et les rares solutions trouvées ne sont que des pis-aller masquant la misère seulement pour quelques jours, au prix de combien de temps et d’énergie dépensées ! Quelle dégradation de leurs conditions de travail et combien de tâches normalement dévolues à ces personnels ne seront qu’imparfaitement réalisées, voir pas du tout, à cause du temps pris pour des missions qui ne sont pas les leurs.

Ces jeunes sont en cours de scolarité au lycée, quelques fois à l’université. Si nous avons connaissance d’une partie de ces situations dans nos établissements c’est que ces jeunes s’accrochent à leur scolarité qu’ils veulent réussir.

Pour la société c’est à la fois un investissement dans l’avenir et un souci de bonne utilisation des ressources publiques que de trouver une solution pour ces jeunes, mais également un devoir moral.

De l’argent a été investi jusqu’à présent pour leur scolarité, leurs soins et, pour ceux pris en charge par l’ASE lorsqu’ils étaient mineurs leur hébergement et leur nourriture. Il ne doit pas l’avoir été en pure perte ou presque. Pourquoi la République se donnerait-elle tant de mal pour commencer la formation de ces jeunes pour les abandonner en cours de route ? Quelle somme représente leur prise en charge par rapport aux sommes déjà dépensées pour la plupart d’entre eux ? Rien ! Quelles possibilités de réussite s’offrent actuellement aux jeunes dans une situation de détresse sociale ? Aucune ou presque. Que peut faire ou devenir un jeune de facto mis à la porte de l’école ? Un travailleur souvent au chômage, qui de ce fait sera souvent en mauvaise santé, qui aura à de nombreuses reprises besoin d’aides sociales, bref qui au-delà du problème humain aura un coût pour notre société.

C’est un devoir moral car c’est bien la grandeur de la République de prendre en charge et de mettre en oeuvre le droit à l’éducation. Les inégalités scolaires sont déjà bien grandes et beaucoup d’entre eux en sont déjà victimes, leur parcours en témoigne. Regarde-t-on les inégalités à ce point avec indifférence pour détourner la tête lorsqu’un jeune lycéen ou étudiant passe sa journée de cours à se demander où il va dormir le soir, comment il va manger ?

La prise en charge de ces quelques centaines de jeunes à l’échelle parisienne est selon la CGT une responsabilité collective de l’ensemble des institutions qui interviennent dans le domaine scolaire et social. Si l’Etat doit prendre ses responsabilités, dans une première approche c’est bien au département de Paris, par l’intermédiaire de l’ASE, d’agir. La mairie et département de Paris serait également dans son rôle en sollicitant une intervention de l’Etat afin que la solidarité nationale participe à cet effort nécessaire pour les jeunes parisiens et joue à plein partout où cela est nécessaire en France. Nous demandons que les décisions politiques donnent clairement à l’ASE comme mission d’apporter l’aide matérielle et éducative aux jeunes lycéens et étudiants qui sont en détresse sociale pendant la durée prévue comme possible par la loi. Les moyens dont dispose l’ASE doivent lui permettre de faire face à cette tâche. Nous ne pourrions pas comprendre une réponse de refus justifiée par un manque de moyens. Paris qui se veut solidaire et parfois même se donne comme modèle en ce domaine doit savoir trouver les financements pour permettre aux lycéens dans le besoin de suivre leurs études.

De manière complémentaire, une solution pourrait être adaptée à certaines situations de lycéens ou d’étudiants en BTS concernant le logement. Nous demandons à la Région, propriétaire des bâtiments et des internats d’augmenter le nombre de places d’internat éducatif, de garder en cours d’année un volant de places disponibles pour les jeunes dont la situation basculerait en cours d’année scolaire et, dans l’urgence de recenser les éventuelles places libres dans les internats parisiens afin de répondre à la situation des quelques jeunes que nous essayons d’aider actuellement.

Bien sûr, ces propositions ne sont que des pistes dont nous sommes prêts à discuter avec vous. Nous attendons, compte tenu de l’urgence des situations que nous évoquons des réponses rapides.

Courrier à la mairie sur l’Aide Sociale à l’Enfance